Leigh Edgar
Q. J’ai entendu dire que plusieurs espèces de reptiles et d’amphibiens dans le monde sont en déclin. Pourquoi ?
R. Nous savons tous maintenant que la perte d’habitats est la principale menace qu’affrontent les espèces sauvages, puisqu’elle affecte les mammifères, les oiseaux et les poissons autant que les plantes. Bien que la liste des espèces menacées continue de s’allonger, ici comme à l’étranger, nous disposons heureusement de plus en plus de renseignements sur les causes de danger et sur les conséquences écologiques du déclin ou de la disparition d’une espèce.
Cela dit, les « canaris dans la mine de charbon » qui nous avertissent du danger ne sont pas tous des oiseaux. La santé et le statut des espèces de reptiles et d’amphibiens partout dans le monde est rapidement en train de devenir le nouveau baromètre de la santé de la planète.
Le Canada compte 47 espèces de reptiles – 25 espèces de serpents, sept de lézards, 11 de tortues palustres et quatre de tortues marines. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le groupe scientifique qui évalue la situation des plantes et animaux sauvages au pays, a calculé que 75 pour cent des espèces canadiennes de reptiles sont en danger d’une forme ou d’une autre. Les principales menaces qu’elles affrontent sont la disparition des habitats, la surexploitation et les véhicules automobiles.
On trouve quarante-six espèces d’amphibiens au Canada, dont un necture tacheté, deux tritons, sept crapauds, 18 grenouilles et 18 salamandres. Les amphibiens peuvent survivre beaucoup plus loin au nord que les reptiles; la grenouille des bois est d’ailleurs la seule espèce parmi les reptiles et les amphibiens qui soit capable de vivre au nord du cercle arctique. Dans l’ensemble, les amphibiens sont plus menacés que les oiseaux ou les mammifères. Dans plusieurs cas, leur déclin est dû à la surexploitation et à la disparition d’habitats. Cela dit, les scientifiques ignorent totalement la raison du déclin de près de la moitié de ces populations en danger, ce qui a raison de nous alarmer. Serait-ce le changement climatique ? La maladie ? Au Canada, on considère que 39 pour cent des espèces d’amphibiens sont en danger à un certain degré.
Bien que les reptiles, avec leur peau sèche et écailleuse, diffèrent de bien des façons des amphibiens, lisses et humides, leur cycle de vie respectif, leurs habitats, leurs habitudes et leurs caractéristiques biologiques les rendent les uns comme les autres vulnérables à l’activité humaine. Ils occupent toutes sortes d’habitats; on peut les trouver dans des fissures ou des terriers, sous des tas de pierres, dans les arbustes et les arbres, les déserts, les forêts, les marais et les pâturages, à proximité des plans d’eau douce et sous les feuilles. En outre, il leur faut des milieux différents pour la reproduction, l’hibernation et l’alimentation. Les possibilités que l’activité humaine nuisent à l’existence des reptiles et des amphibiens sont donc nombreuses, et c’est effectivement souvent le cas.
Les amphibiens n’ont pas de poumons; ils respirent par la peau, mais ils doivent pour cela avoir la peau humide. La proximité d’étangs et d’autres plans d’eau est donc cruciale à leur survie. La contamination par les pesticides ou d’autres produits chimiques peut s’avérer particulièrement nuisible aux amphibiens. On a observé de nombreuses grenouilles à pattes multiples, manquantes ou difformes au Canada et dans le reste du monde. La cause en serait les polluants, comme les métaux lourds et les déchets radioactifs, qui altèrent parfois le développement sexuel des embryons de reptiles et d’amphibiens et dont la durée de vie dans la nature peut être très longue. Le changement climatique entraîne aussi des ravages pour ces petites créatures en réduisant le nombre d’insectes dont elles peuvent se nourrir, le niveau d’eau des étangs et la durée de la saison de reproduction. En outre, la peau des amphibiens étant très sensible, ils souffrent beaucoup de l’effet des rayons ultraviolets nuisibles qui traversent la couche d’ozone de plus en plus mince.
Bien que les reptiles semblent plus coriaces que les délicats amphibiens, ils sont souvent victimes des voitures qui les écrasent alors qu’ils se prélassent au soleil sur la chaussée ou qu’ils traversent la route pour atteindre une source d’eau. Chez les reptiles, la disparition de membres adultes d’une population se traduit parfois rapidement en son déclin. Plusieurs espèces de reptiles occupent des habitats différents (autant terrestres qu’aquatiques) selon le moment de l’année, ce qui les rend vulnérables aux changements à l’environnement; leur faible capacité de dispersion et leur besoin de changer de milieu en fonction des étapes de leur cycle de vie accroissent leur vulnérabilité à la fragmentation des habitats et à la construction de routes. L’extension des centres urbains et l’empiétement des activités de loisir et du développement industriel sur les milieux naturels ont causé la perte, la dégradation ou la fragmentation des habitats, et plusieurs espèces ont décliné.
Croyez-le ou non, le braconnage est l’une des principales menaces qui pèsent sur certaines espèces de reptiles. Bien des gens rapportent une tortue peinte à la maison comme animal domestique, croyant la « sauver ». Le ramassage de tortues pour des motifs personnels ou commerciaux contribue directement au danger d’extinction qui pèse sur certaines espèces de tortues au pays, mais on peut facilement l’éviter. Les populations de serpents souffrent aussi aux mains des humains. On les tue encore souvent par peur ou par ignorance.
Les reptiles et les amphibiens jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques. À la fois prédateurs et proies, ces animaux sont essentiels au réseau alimentaire de leur communauté. Ils mangent toutes sortes d’insectes et de rongeurs, assurant ainsi gratuitement le contrôle des organismes nuisibles dans les régions agricoles. La larve de salamandre est un prédateur majeur des étangs dont la présence a une influence autant sur la biodiversité d’ensemble que sur l’abondance des populations. Les reptiles et les amphibiens font aussi partie de l’alimentation de nombreux petits mammifères, oiseaux et autres animaux. Malheureusement, certaines espèces surabondantes parmi ces prédateurs sont en train de ravager les populations. La couleuvre d’eau du lac Érié en est un exemple; ce reptile est en voie d’extinction, entre autres parce qu’il est souvent la proie des renards, des ratons laveurs et même des chats et des chiens.
Les gens doivent comprendre que les reptiles et les amphibiens sont de bons indicateurs environnementaux. Si l’air, le sol et l’eau sont trop pollués pour la reproduction et la survie de ces espèces par des modes naturels, et si leurs habitats se font détruire, comment pouvons-nous croire que les milieux où nous vivons vont nous permettre de subsister sans problème ?
Que pouvez-vous donc faire pour les aider ? Faites attention aux tortues et aux serpents sur les routes, de mai à septembre. Évitez d’utiliser des produits chimiques. Plantez des espèces indigènes dans votre jardin. Aménagez un étang. Ne laissez pas sortir votre chat. Ne rapportez pas de tortue à la maison comme animal domestique. Faites tout en votre pouvoir pour réduire vos émissions de gaz à effet de serre. Restez sur la piste quand vous vous promenez en motoneige ou à pied dans la nature. Rappelez-vous que le changement climatique, la pollution par des produits chimiques et la perte de milieux sauvages ont des conséquences négatives pour les humains aussi.