April Overall
Plus de 500 espèces d’oiseaux migrateurs font étape au Canada dans leur pérégrination vers leurs aires d’hivernage ou de reproduction. Les aléas du voyage sont nombreux : mauvais temps, climat changeant, perte d’habitat, dégradation d’habitat, pollution, chasse et prédation. Comme s’il n’était pas suffisamment difficile de franchir à tire-d’aile des centaines de kilomètres dans des circonstances hasardeuses, pour certains oiseaux migrateurs le péril est encore plus grand : l’extinction les guette dans leur déplacement.
Conditions revêches pour les chevêches
Sa population canadienne ne comptant plus que 795 individus au Canada selon les estimations, la chevêche des terriers (Athene cunicularia) s’est vu attribuer en 1995 le statut d’espèce en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). Les chevêches des terriers du Canada ont vu leur nombre réduit de 90 p. 100 dans la décennie 1990-2000, et leur population continue de dégringoler en raison de la prédation, de la raréfaction de leurs proies, des toxines, des collisions avec les véhicules et de la conversion de leur habitat herbager en terres agricoles. La migration ne leur offre guère de répit. Avant que l’hiver n’étende son manteau blanc, les chevêches mettent le cap sur le sud, vers les latitudes plus clémentes du Mexique, du Texas, du Nouveau-Mexique, de l’Arizona et de la Californie; elles retournent au nord en avril et en mai pour se reproduire dans la région qui va du Centre-Sud de l’Alberta au Sud de la Saskatchewan. Après un vol épuisant, les chevêches se consacrent à la recherche d’un espace de nidification approprié; elles comptent sur les terriers abandonnés d’un ensemble de mammifères, notamment des écureuils fouisseurs, des chiens de prairie, des blaireaux, des renards, des mouffettes, des coyotes et des marmottes. Cependant, la raréfaction de ces mammifères s’accompagne d’une raréfaction de leurs terriers, et les chevêches se retrouvent ainsi sans abris, vulnérables aux rigueurs du climat et aux prédateurs. Dans les Grandes Plaines, par exemple, les chevêches montrent une préférence pour les terriers abandonnés des chiens de prairie; or 99 p. 100 des colonies de chiens de prairie ont été détruites, ce qui met les chevêches en posture difficile.
Le bec dans l’eau
La sous-espèce de bécasseau maubèche qui est en voie de disparition (Calidris canutus rufa) a vu sa population décroître de 70 p. 100 depuis 1982. Les causes de ce déclin dramatique ne manquent pas : de la pollution pétrolière et chimique, en Amérique du Nord comme du Sud, aux altérations de l’aire de reproduction de l’oiseau dans l’Arctique, provoquées par les changements climatiques, en passant par une prédation accrue. De plus, dans la migration qu’il effectue entre ses sites de reproduction dans l’Arctique canadien et ses sites d’hivernage en Amérique du Sud, le bécasseau maubèche est exposé à d’autres périls encore : un habitat qui se rétrécit dans l’Est de l’Amérique du Nord, des conditions atmosphériques inclémentes et, comble de l’adversité, l’appauvrissement des populations de limules (Limulus polyphemus). Lorsque les bécasseaux maubèches voyagent vers le nord, leur survie dépend dans une forte mesure des œufs de limules. Mais la surpêche dont les limules ont fait l’objet dans la baie du Delaware a laissé les bécasseaux maubèches affamés; ils s’arrachent la nourriture qu’ils trouvent tant bien que mal pour constituer les réserves d’énergie dont ils ont besoin pour terminer leur voyage vers le nord.
Contre vents et marées
En 1978, le COSEPAC a classé la grue blanche (Grus americana) dans la catégorie des espèces en voie de disparition; il ne restait que 260 individus à l’état sauvage. L’aire de reproduction des grues blanches, exiguë, est entièrement située à l’intérieur du parc national Wood Buffalo, mais la pérégrination de 4 000 kilomètres qui amène les grues à leurs sites de reproduction printaniers peut se révéler difficile. À la fin de mars, les grues blanches quittent l’Arkansas National Wildlife Refuge, situé sur la côte texane du golfe du Mexique; elles traversent le Sud-Ouest du Manitoba, le Centre-Sud de la Saskatchewan et le Nord-Ouest de l’Alberta. Les jours de temps couvert, nuageux ou pluvieux, la visibilité réduite fait courir aux grues blanches le risque de heurter contre les lignes électriques. Entre 1956 et 1999, au moins 21 d’entre elles ont ainsi péri ou se sont gravement blessées.
Pour se nourrir, les grues s’arrêtent en chemin dans les zones humides et les terres cultivées. Des études ont montré que 70 p. 100 des sites d’alimentation des groupes non familiaux étaient des terres cultivées, alors que 67 p. 100 des sites d’alimentation des familles étaient des milieux humides. Les familles sont ainsi aux prises avec la dégradation d’habitat – au gré de l’aménagement des milieux humides pour un usage agricole, industriel ou urbain –, avec un risque accru de prédation de leurs œufs et de leurs petits (les ours noirs, les grands corbeaux, les loups et les renards roux sont les coupables habituels) et avec un manque de nourriture dans les périodes de sécheresse.