Annie Langlois
Pendant des centaines d’année, les baleines noires de l’Atlantique Nord étaient des proies idéales pour les chasseurs de baleines. Lentes et massives, elles étaient faciles à attraper; de plus, leur corps flottait pendant un certain temps après qu’on les avait tuées, en raison d’une épaisse couche de lard. On croit qu’en 1937 il restait moins de 100 individus. Voilà plus de soixante-dix ans que la chasse à la baleine noire est interdite, mais de toutes les espèces de grandes baleines, c’est probablement encore aujourd’hui la baleine noire de l’Atlantique Nord qui est le plus en danger d’extinction. L’espèce, qui ne compte plus que 450 représentants environ, ne se rétablit pas aussi rapidement qu’elle devrait. C’est l’une des tristes constatations ayant conduit à l’inscription de la baleine noire de l’Atlantique Nord à la liste des espèces considérées comme étant en voie de disparition aux termes de la Loi sur les espèces en péril (LEP).
Des chercheurs tentent non seulement de trouver des moyens d’assurer le rétablissement de la baleine noire de l’Atlantique Nord en faisant appel à des mesures de conservation, mais également de découvrir pourquoi l’état et les effectifs de l’espèce ne se sont pas améliorés depuis que la chasse est interdite.
Nous connaissons certains des périls auxquels ces baleines sont exposées : elles nagent lentement, près de la surface, et à proximité des côtes, ce qui leur fait courir un risque particulièrement élevé de collisions avec les navires et d’empêtrement dans les engins de pêche. Il se peut qu’elles subissent également une dégradation de leur habitat causée par le déversement dans l’océan de produits chimiques issus des activités humaines. Mais nous ne savons pas en quoi consistent tous les facteurs mettant en danger ces baleines majestueuses. Des chercheurs ont constaté que le taux de reproduction des baleines noires de l’Atlantique Nord était actuellement environ trois fois inférieur au taux qui serait normal pour l’espèce. De nombreuses femelles ne mènent pas de gestations à terme ou bien n’ont donné naissance, d’après les observations, qu’à un seul baleineau. Quelle est la cause de cette situation? Nous aimerions bien le savoir!
C’est ce que Timothy R. Frasier, du département de biologie de l’Université Saint Mary’s, à Halifax, en Nouvelle-Écosse, cherche à découvrir. Avec l’aide de la Fédération canadienne de la faune, il tentera de vérifier la validité d’une hypothèse : que les problèmes reproductifs pourraient avoir comme origine le nombre réduit d’individus reproducteurs disponibles. Il explorera également d’autres possibilités. Par exemple, il se pourrait que les conditions du milieu ne soient pas assez bonnes pour assurer aux baleines un nombre de proies suffisantes; les femelles pourraient ainsi être sous-alimentées. En outre, il n’est pas rare que le succès de reproduction soit réduit chez les espèces n’ayant que de petites populations, car les accouplements consanguins sont alors plus fréquents : la similarité génétique entre un mâle et une femelle qui s’accouplent peut empêcher la fécondation ou donner lieu à des problèmes de santé chez les baleineaux à leur naissance. Afin de déterminer l’incidence de facteurs génétiques sur la problématique de la reproduction des baleines noires de l’Atlantique Nord, M. Frasier recueillera des données relatives à l’ADN de ces animaux, prélevé dans des échantillons de leur peau. L’analyse des données nous indiquera si ces facteurs génétiques ont une incidence majeure sur le potentiel de rétablissement de l’espèce. Plus nos connaissances se préciseront, plus nous saurons quelles mesures doivent être prises pour que prospèrent de nouveau dans nos eaux les baleines noires de l’Atlantique Nord!