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lichen crew

Le premier lichen en voie de disparition découvert au Québec


Nov 10, 2016
Nicolas Conroy

Frost lichen on tree bark

Par une belle journée, une équipe impatiente se retrouve dans un stationnement vide du parc de la Gatineau. La tâche du jour : localiser la physconie pâle (Physconia subpallida), une espèce classée en voie de disparition au niveau fédéral. L'idée de mener des recherches dans le parc de la Gatineau était livrée au hasard; cette espèce de lichen n'est pas courante et n'a été enregistrée que sur 20 sites au Canada (tous en Ontario, jamais au Québec).

La physconie pâle est connue pour pousser presque exclusivement sur l'ostryer de Virginie (Ostrya virginiana), dans les forêts matures humides de faible densité et sur de l'écorce à forte capacité de rétention d'humidité. Heureusement, la plupart du temps, le lichen se développe à hauteur d’œil, et peut être étudié sans recourir à une échelle (contrairement à certains lichens qui poussent très haut dans la canopée). Il n'est pas facile de trouver ces exigences spécifiques en matière d'habitat. La détermination des zones humides est difficile, car, bien que certaines zones se trouvent près de l'eau, l'humidité peut s'y dissiper, alors qu'une canopée partiellement ouverte au milieu de la forêt peut être très humide. Il faut prêter attention aux espèces d'arbres qui poussent dans ces zones de recherche délimitées : une faible présence de conifères (qui augmentent l'acidité du sol, au détriment de la physconie) et une abondance d'ostryers constituent un bon point de départ.

James Pagé (préposé aux espèces en péril et au programme de la biodiversité de la Fédération canadienne de la faune) étudie le parc de la Gatineau depuis le début de l'année 2016. « Je pense que ce secteur présente un habitat semblable à celui des régions où ce lichen a été trouvé en Ontario », explique James Pagé, qui a mis sur pied une équipe de recherche incluant Nicolas Conroy, stagiaire, Jessica Allen, chercheuse au Jardin botanique de New York, et Troy McMullin, Ph. D., lichenologue au Musée canadien de la nature. Jessica Allen et Troy McMullin ont identifié des dizaines de lichens au cours de la journée.

Pleins d'espoir, ils se sont aventurés hors des sentiers battus vers de grands peuplements d'arbres à feuilles caduques contenant de nombreux d'ostryers de Virginie, l'arbre hôte préféré de la physconie pâle. Ils ont fouillé des dizaines d'arbres - armés de loupes simples et d'un œil aiguisé ne laissant échapper aucun détail. Les membres de l'équipe ont disparu et réapparu parfois pendant l'espace de 20 minutes, demeurant toujours à portée d'oreille. La matinée et l'essentiel de l'après-midi n'ayant abouti à rien, Troy McMullin a finalement interpellé le groupe, et tout le monde s'est précipité vers lui. Il pointait une petite surface de lichen, pas plus grande que le pouce. C'était le lichen que nous recherchions tous! On s'est tapé dans les mains et les flashs des appareils-photo se sont mis à crépiter.

C'était une journée historique pour cette espèce : la première physconie pâle enregistrée dans l'histoire du Québec, et le premier lichen en voie de disparition jamais signalé au Québec.