Stephanie Poff
| Photo: Jacques Pelletier, CWF photo club |
Si je vous disais que 2011 est l’Année internationale des forêts, verriez-vous les arbres de votre cour arrière différemment ? Le problème, quand vient le temps de célébrer une année comme celle-ci, c’est que bien souvent, on ne sait pas trop comment embrasser la cause (autrement qu’en allant serrer un arbre dans ses bras).
Il est difficile de comprendre la véritable valeur des forêts canadiennes à moins de s’y trouver. Je vous invite donc à me suivre pour une visite de notre immense et majestueuse forêt boréale, aussi appelée taïga, telle que la voient nos oiseaux chanteurs. Imaginez-vous des épinettes vieilles de plusieurs siècles qui se balancent lentement au vent, les rayons du soleil qui s’infiltrent entre leurs branches et qui caressent le sol, la douce odeur des aiguilles de pin et le son de centaines d’oiseaux qui se chantent les uns aux autres.
Le Canada des oiseaux
La forêt boréale s’étend de l’extrémité nord de l’Alaska jusqu’à la côte Est, en passant par l’ouest du Canada et la majeure partie de l’Ontario et du Québec, dessinant une sorte de crochet inversé. Couvrant plus d’un milliard et demi d’acres, la taïga est couverte d’épinettes, de pins, de sapins et de trembles qui fournissent un habitat à toutes sortes d’espèces, que ce soit pour l’été ou pour l’année.
La forêt boréale est capable d’accueillir le nombre étonnant de 500 paires d’oiseaux migratoires par 2,5 kilomètres carrés. Cette proximité semble peut-être excessive, mais le chœur de chants et de gazouillis qu’on y entend doit être incroyable. Cet écosystème encore épargné en grande partie par l'homme est l’un des plus étendus qui restent au monde.
La taïga compte 300 espèces d’oiseaux ou plus, dont environ 30 pour cent sont des oiseaux terrestres d’Amérique du Nord, 40 pour cent des oiseaux aquatiques et 30 pour cent des oiseaux de rivage qui nichent dans les zones humides de la forêt boréale. À propos de zones humides, saviez-vous que la taïga déborde de lacs, d’étangs, de rivières et de marécages ? Ces milieux riches et variés offrent toutes sortes d’habitats aux trois milliards (vous avez bien lu : milliards) de pinsons, de grives, de moineaux, de moucherelles, de faucons et d’autres oiseaux qui y vivent.
Qu’est-ce qui a changé ?
La pire menace à laquelle font face les oiseaux de la forêt boréale est l’intensification des activités d'extraction de ressources dans leur milieu, comme l’exploitation forestière, pétrolière ou gazière. Comment peut-on protéger tant d’espèces contre les effets de la dégradation d’habitat qui se produit actuellement ? Malheureusement, c’est impossible. La forêt boréale est le lieu d’une importante activité migratoire, et il serait illusoire de croire qu’on peut détourner des zones qui font l’objet de l’exploitation humaine des voies de migration empruntées par un si grand nombre d’espèces.
Prenons l’exemple du petit fuligule, un canard plongeur d’Amérique du Nord dont la population a connu une décroissance de 70 p. 100 au cours des cinquante dernières années. Sa voie de migration traverse la zone de la taïga où l’on exploite les sables bitumineux. Cela s’ajoute aux périls que court déjà le petit fuligule en raison de divers facteurs, notamment la dégradation de son habitat dans des zones importantes de migration, d’hivernage et de reproduction, les espèces envahissantes, les perturbations associées aux activités humaines, et la liste ne s’arrête pas là.
Le moucherolle à côtés olive a également subi l’un de ses plus importants déclins des 40 dernières années. Certains attribuent ce déclin au fait que cet oiseau se nourrit d’insectes volants pendant sa migration printanière. Or, à cause de l’accroissement de la température dans la zone boréale, les œufs d’insectes éclosent plus tôt qu’autrefois, et il y a maintenant moins d’insectes disponibles au moment de la migration du moucherolle. D’autres espèces, comme la paruline à gorge noire et le gros-bec errant, sont constamment menacées par le déclin à cause de la perte d’habitats.
Une lueur d’espoir
De toute évidence, les changements à l’habitat affectent les espèces sauvages de la taïga. La FCF prépare actuellement une initiative de conservation dans l’ouest de la forêt boréale, initiative visant l’étude de l’impact environnemental futur du développement économique et de son effet sur les espèces comme celles d’oiseaux chanteurs. Nous avons bon espoir que l’adoption de pratiques exemplaires nous permette d’atteindre un équilibre entre le développement économique et la conservation de la faune.