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Mon grand-père est un marin, l’eau salée coule dans ses veines,
Il est en visite chez nous, au cœur des grandes plaines.
C’est un homme grincheux, ridé et petit,
Mais pour raconter des fables, le meilleur, c’est lui.
Ce bonhomme fringant, ce matin, m’a saisi au vol,
Au moment où je m’apprêtais à partir pour l’école.
Il avait laissé tomber la lettre qu’il venait de lire, sur le plancher.
J’ai regardé la lettre… Mon grand-père… la porte… puis je me suis arrête.
« Qu’y a-t-il grand-papa? », lui ai-je enfin demandé.
« Tu fais mieux de t’asseoir, dit-il, je vais te raconter. »
« C’est une lettre d’Arthur, qui habite au bord de la mer,
Du moins il y habitait jusqu’à la semaine dernière.
Pour pêcher avec ses copains, au bord de l’océan il s’est rendu.
Il lance sa ligne vers la mer, mais la mer avait disparu!
Son cœur a presque cesse de battre, il avait peine à y croire.
A la place de l’océan, il y avait plus qu’un trou noir.
Pas une seule flaque d’eau ni un seul petit étang,
Que de la boue et de la vase, paysage, déconcertant.
« Morts sont les poissons, les baleines et les dauphins,
Les pétoncles, les crevettes et les contes marins.
Finis les chants, les turluttes et les danses,
Quand les pêcheurs revenaient dans l’anse.
Les casiers à homards s’empilent sur le quai,
Et sur la table, il n’y a plus rien à manger.
Que dire des goélands, des pluviers siffleurs et des barboteurs?
Ils ont disparu comme les canards plongeurs.
« Oncle Wilfred et moi, nous sommes vieux à présent,
Et nous avons besoin de médicaments
Provenant des éponges, du varech et des requins.
Mais hélas, il ne reste plus rien.
« Tu te rappelles notre voyage sur la côte?
La plongée et la pêche avec André, notre hôte?
Imagine des vacances sans aller à la plage!
Plus d’étoiles de mer, ni crabes, ni coquillages,
Plus d’algues colorées dans les bassins de marée
Ou des créatures marines te mordillaient les pieds,
Plus d’eau salée dans laquelle nous pataugions
En regardant passer les bancs de petits poissons. »
(Grand-père n’en finit plus avec cette histoire,
Le temps passe et je vais être en retard!)
« Autre chose, fiston », ajoute-t-il gravement.
« Ces nouvelles chaussures que tu portes fièrement,
Elles proviennent d’ailleurs, comme ton vélo,
Puis nos voitures, nos camions et nos motos,
Les ordinateurs et autres gadgets électroniques…
C’est par navire qu’ils sont livres en Amérique.
« Et la pluie qui aide nos cultures à pousser,
Prend naissance dans la mer, l’avais-tu oublié?
Ces billions de planctons qui recyclent l’air,
S’ils ne sont plus là, ils ne peuvent plus le faire!
Le carbone s’accumule dans l’atmosphère, quel d’désespoir,
Le climat est en train de changer et je crains qu’il ne soit trop tard! »
Je regarde grand-père dans les yeux. Dit-il la vérité?
S’agit-il d’une fable comme lui seul sait raconter?
Puis son visage sombre s’éclairait tout à coup,
Et il rit aux éclats, en se tapant les genoux.
Je ne crois pas qu’il se soit amusé autant
Ce vieux marin ride, si loin de l’océan.
« Cette fable ne tient pas que de l’imaginaire,
Il existe vraiment des liens entre les prairies et la mer.
Tout ce que nous faisons sur ces landes sans fin
A des répercussions sur les milieux marins.
Alors, souviens-toi des trésors que t’offre l’océan.
Et n’oublie jamais d’en être reconnaissant. »
Aujourd’hui, je remercie la mer pour ses merveilleux cadeaux,
Nourriture, chansons et créatures de ses eaux,
Et le cadeau particulier dont je suis le plus fier…
C’est nul autre que ce marin, mon bon vieux grand-père.
-Dave Gibson et John Bird, 2003
(Adaptation – Monique Lachance)
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