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Arbres vénérables



Stephanie Poff

Quelles sont donc les raisons pour lesquelles les vieux arbres sont si importants? Il y a leur imposante majesté et les siècles de secrets enfouis sous leur écorce, mais les vieux arbres sont aussi synonymes d’abris et d’équilibre tant pour les milieux naturels que pour les animaux et le climat.

Stockage

En fait, les vieux arbres et les forêts anciennes retirent, depuis des siècles, une quantité incroyable de dioxyde de carbone de l’atmosphère et l’emmagasinent. Le dioxyde de carbone est pour ainsi dire respiré par les arbres; plus les arbres sont vieux, plus leurs tissus ligneux vivants en renferment. À l’échelle mondiale, les forêts anciennes jouent ainsi le rôle d’un puits de carbone. Autrement dit, les vieux arbres sont très bons pour « inhaler du carbone »; un peu comme nous inhalons de l’oxygène, sauf que les arbres retiennent le carbone. Cependant, lorsqu’ils meurent, les arbres retournent tout ce carbone à l’atmosphère, et lorsqu’on les coupe, ils ne retirent plus de carbone supplémentaire à l’atmosphère. Peut-être avez vous entendu discuter d’un petit sujet d’actualité appelé « changement climatique »; eh bien, lorsqu’on parle de projections climatiques, le carbone est dans le vif du sujet, et la question de savoir où va le carbone revêt donc une importance considérable. On rétorque cependant couramment que des forêts plus jeunes à croissance rapide élimineraient davantage de carbone que ces vieux arbres dont la « seule utilité » aujourd’hui est de stocker le carbone. Un instant : leur « seule utilité » serait le stockage de carbone? Jamais de la vie!

Abris et réconfort

Examinons cela de plus près. Des études de l’Université de la Colombie-Britannique indiquent que les vieux arbres offrent un habitat à des milliers d’espèces d’oiseaux et de mammifères. Cette information n’est toutefois guère inédite : je suis certaine que la plupart des gens savent que les arbres offrent des habitats fauniques. Chouettes, passereaux, écureuils, opossums, insectes, serpents, amphibiens et d’autres animaux se servent des cavités des arbres. Il faut bien comprendre le caractère essentiel de ces arbres pour la faune et veiller en conséquence à ce qu’ils ne soient pas tous abattus. Par exemple, les animaux de nombreuses espèces en péril, notamment la chouette tachetée, le martinet ramoneur, la couleuvre obscure, le guillemot marbré et la paruline azurée, ont besoin d’arbres d’un certain âge pour survivre. Il y a des animaux qui ne peuvent pas creuser eux-mêmes les trous dont ils ont besoin; ils tirent parti des dommages naturels et de la décomposition de certaines parties de vieux arbres pour s’abriter. En Amérique du Nord, les trous que font les pics représentent près de 99 p. 100 de l’ensemble des cavités utilisées, alors que des études ont montré qu’en Amérique du Sud, en Europe, en Asie et en Australie 75 p. 100 des trous utilisés par des oiseaux ou des mammifères provenaient de dommages naturels ou de décomposition. Peut-être que certains d’entre vous qui lisez cet article trouvez que cela n’est pas suffisant et vous demandez ce que les vieux arbres peuvent faire dans le futur, en plus de stocker le carbone et d’offrir des abris aux animaux?

Croissance et contribution

Des chercheurs du département de biologie de l’Université McGill ont montré que les grands arbres anciens peuvent contribuer de manière très importante à la croissance continue des forêts. Dans le cadre de leur étude, Zoe Lindo et Jonathan Whitely ont constaté que l’interaction entre les vieux arbres, les mousses et un type de bactéries qui se forme sur les mousses (les cyanobactéries) faisait partie des dynamiques des forêts qui assurent leur productivité à long terme. De manière semblable à un effet domino, les vieux arbres offrent un habitat aux mousses, les mousses offrent un habitat aux bactéries, et les cyanobactéries absorbent l’azote de l’atmosphère et le mettent à la disposition des végétaux. Auparavant, seules les mousses présentes au sol avaient été étudiées; l’étude de l’Université McGill a montré que les mousses qu’on retrouve à la cime des arbres étaient plus abondantes que celles qu’on trouve au sol et renfermaient deux fois plus d’azote que ces dernières. La disponibilité de l’azote est tributaire des mousses, et seuls les arbres assez grands et vieux (100 ans) commencent à accumuler ces dernières et, ainsi, de l’azote. Tout à l’honneur des biologistes de McGill, ces recherches revêtent également un caractère important dans l’optique de la conservation de nos forêts. Si vous voulez mon avis, les vieux arbres sont tout simplement des super-héros.