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Les espèces perdues du Canada



Leigh Edgar

L’extinction ne se limite pas aux espèces vivant dans les îles tropicales lointaines, ni dans les luxuriantes forêts tropicales humides de l’Amérique du Sud. Vous apprendrez peut être avec étonnement que notre pays a perdu certaines de ses espèces. Bien que les taux et les causes d’extinction diffèrent entre les pays développés et les pays en développement, des pays comme le Canada ne sont assurément pas immunisés contre la perte des espèces. Les espèces disparues du Canada ont succombé, en grande partie, à l’époque où la conquête des terres visait l’établissement humain, où les ressources naturelles faisaient l’objet d’une surexploitation et où les lois sur la conservation étaient quasi inexistantes.

Espèces perdues 101

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (CSEPC) constitue l’organisme scientifique responsable de l’évaluation et de la désignation des espèces fauniques en danger plus ou moins grand de disparition du Canada. La création du CSEPC, en 1977, visait à répondre à la nécessité de procéder à un « classement national, rigoureusement scientifique, officiel et unique des espèces fauniques à risque ». Le fonctionnement du CSEPC repose sur des règles et des procédures rigoureuses. Son seul objectif consiste à évaluer les réalités biologiques d’une espèce; il n’a pas la tâche d’en examiner les impacts économiques et sociaux.  

Pour se renseigner sur la situation de la faune, il faut en connaître le jargon : 

  • L’expression espèce disparue du Canada fait référence à une espèce faunique qui n’est plus présente au sein d’une zone particulière, mais qui existe ailleurs dans la nature.
  • L’extinction se produit lorsqu’une espèce faunique disparaît complètement de la nature.
  • Le terme endémisme fait référence à une espèce qui n’existe que dans une certaine région ou localité.


Fantômes d’une faune disparue

La liste des espèces disparues du Canada compte 23 inscriptions. Elle inclut une variété d’espèces provenant d’habitats extrêmement diversifiés, qui sont disparues du Canada pour différentes raisons. La plupart de ces espèces ont disparu du Canada au début du XXe siècle. À titre d’exemple, le saumon de l’Atlantique abondait dans plus de 40 affluents du lac Ontario, mais il en est disparu il y a plus d’un siècle. Depuis le XIXe siècle, divers facteurs allant d’une surpêche chronique, en passant par la destruction de l’habitat causée par le peuplement humain, l’agriculture et l’endiguement des rivières par les usines de papier, ont particulièrement nui au saumon. Ces facteurs ont également joué un rôle dans la disparition du spatulaire, observé pour la dernière fois dans les Grands Lacs il y a plus de 70 ans. Parmi les autres espèces dont la disparition découle principalement de la transformation chronique de l’habitat ou de l’activité humaine figurent la population du grizzli des Prairies, le tétras des armoises de la Colombie Britannique, le crotale des bois de l’Ontario et même la baleine grise de l’Atlantique. Bien que la disparition de ces espèces ou de ces populations du Canada représente une perte pour tous les Canadiens, ces espèces existent heureusement ailleurs.

Cependant, les espèces n’ont pas toutes la même chance. Treize malheureuses espèces figurent à la liste des animaux en voie de disparition du Canada. La plupart d’entre vous savent que la tourte voyageuse, qui occupait un territoire s’étendant de la Nouvelle Écosse à la Saskatchewan, est disparue en 1914. Toutefois, saviez vous que le Canada a également perdu une sous espèce de caribou des bois, qui est disparu des îles de la Reine Charlotte pendant les années 1930, et ce, pour des raisons inconnues? Une petite espèce endémique, baptisée « épinoche benthique du lac Hadley », a disparu à la fin des années 1980 et au début des années 1990, après l’introduction non autorisée de la barbue de rivière au sein du lac qui constituait son habitat. Si vous croyez que les parcs nationaux représentent la mesure de sauvegarde par excellence contre l’extinction, détrompez vous : le naseux des rapides de Banff, minuscule poisson à croissance lente qui ne mesurait que 0,54 millimètres de longueur, et espèce endémique qui n'habitait qu'un seul marais du parc national de l’Alberta, n’a pas pu rivaliser avec les poissons tropicaux qui s’y sont introduits. Des spécialistes croient que cette introduction serait imputable à une fuite d’eau chlorée provenant d’une piscine, qui se serait infiltrée dans le marais, ou à la présence d’une digue de castors, qui aurait restreint les déplacements de ce poisson. Ainsi, le COSEPAC a désigné le naseux des rapides de Banff comme une espèce disparue en mai 2000.

Aller de l’avant

Il reste que nous n’avons plus d’excuse. Si le Canada en a déjà perdu 36, un nombre renversant de 562 autres espèces sont considérées comme étant exposées à un certain risque de disparition, et beaucoup d’autres sont sur le point de faire l’objet d’une évaluation. Des Prairies à la forêt boréale en passant par les bancs de glaces flottantes du Nord, nous devons assurer la gestion adéquate des espèces à risque et la conservation de leur habitat, en plus de faire une utilisation durable des ressources naturelles. Des hiboux aux huîtres en passant par les plantes, des baleines aux serpents en passant par les papillons, de l’Atlantique au Pacifique en passant par l’Arctique, nous devons, de toute évidence, mieux nous consacrer à la protection des espèces qui partagent notre espace.

Bon nombre de gens accomplissent des gestes extraordinaires en faveur de nos espèces en péril : ils interviennent au sein de leur collectivité, font entendre leur voix de consommateurs, se consacrent à la recherche, créent des habitats et exigent que les décideurs passent à l’action. En matière d’aide aux espèces à risque, rappelez vous que chaque geste compte. Bon nombre de reptiles sont à risque, car ils se font tuer sur les routes. Par conséquent, ralentissez et faites preuve d’une vigilance accrue. Les activités récréatives peuvent mettre les espèces végétales en péril. Par conséquent, demeurez dans les sentiers. Le monarque est menacé par l’utilisation accrue des pesticides (qui détruisent l’asclépiade, sa principale plante hôte) en Amérique du Nord. Toutefois, vous pouvez changer les choses en faisant pousser, dans votre jardin sans engrais chimiques, des plantes à l’usage du monarque et d’autres insectes pollinisateurs. Le changement climatique a influé sur le déclin du caribou des bois. Par conséquent, remplacez toutes vos vieilles ampoules incandescentes par des ampoules fluocompactes, qui sont plus efficaces. L’urbanisation représente manifestement un problème pour les espèces à risque. Par conséquent, intervenez dans les questions municipales.

L’action individuelle peut se révéler très utile aux espèces en voie de disparition du Canada. Néanmoins, la FCF reconnaît que la transformation significative des méthodes d’aménagement et d’exploitation de notre vaste paysage exige un effort collectif. Nous constituons le plus grand et le plus ancien organisme de conservation du Canada. Nous proposons non seulement un éventail de programmes axés sur la réalisation et le financement d’activités de protection des espèces à risque et de leur habitat, mais nous pouvons aussi enrichir les gestes de conservation accomplis par les Canadiens en incitant les gouvernements à éliminer les menaces posées spécifiquement aux espèces à risque et, le cas échéant, à réévaluer les lois et les politiques ayant trait à la faune et au développement durable en général. Nous rappelons régulièrement aux gouvernements, au secteur industriel et à tous les Canadiens que notre faune constitue notre patrimoine. Ce qui est bon pour son habitat est également bon pour nous.

La FCF envisage un avenir où la disparition des espèces deviendra chose du passé; nous refusons que les espèces canadiennes disparaissent. Tenons nous en à la disparition du dodo et des dinosaures, et consacrons nous à assurer l’existence des espèces emblématiques de notre pays.