Ciel de nuit

Vous souvenez-vous, enfant, avoir contemplé les étoiles et tenté de localiser la Grande Ourse? De nos jours, vous aurez de la chance si vous trouvez un enfant de huit ans qui a déjà vu la Grande Ourse – sans parler d’un enfant qui sache de quoi il s’agit! Grâce à l’ampoule électrique de Thomas Edison, près de 63 pour cent des gens habitent des régions où l’éclairage de la ville surpasse celui du ciel de 10 pour cent. Mais saviez-vous qu’éclairer la nuit peut être préjudiciable aux animaux nocturnes et aux animaux sauvages?

Les études démontrent que la lumière artificielle peut porter un coup très dur à l’activité reproductive des coraux, dont la reproduction est fonction du cycle lunaire. De plus, nombre d’organismes marins dépendent de la noirceur des profondeurs de l’océan pour survivre; même une quantité infime de lumière peut les exposer à des prédateurs. Les tortues de mer nichent sur des plages obscures de sorte que leurs larves soient attirées vers la mer étincelante; toutefois, alors que les lumières de la ville brillent de leur propre éclat, ces minuscules tortues se dirigent vers l’intérieur des terres plutôt que vers la mer. En Floride seulement, des centaines de milliers d’entre elles sont tuées chaque année.

Ne disposant que de deux ou trois semaines de vie au stade adulte, les lucioles doivent faire vite si elles veulent se trouver un compagnon. Les mâles battent des paupières sans relâche, toute la nuit, jusqu’à ce qu’une femelle leur réponde en clignant des yeux à son tour. Le problème est que les femelles ne sont pas les seules à tourner la tête. La lumière qui émane des édifices, des clignotants ou même des phares des véhicules attirent les lucioles mâles, les mettent dans tous leurs états mais ne les rapprochent pas d’une compagne.

Alors que les lumières artificielles illuminent la nuit, les animaux nocturnes, tels les rongeurs, les chauves-souris, les blaireaux et les opossums, ne peuvent prendre une bouchée sans guetter la présence de prédateurs. Si leurs nids sont éclairés, les chauves-souris soit les abandonneront, soit elles s’y replieront et attendront que les lumières s’éteignent pour en sortir et aller manger.

Chaque année, des millions d’oiseaux chanteurs quittent l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, les Caraïbes et le Mexique pour retrouver le confort de nos jardins, et mieux retourner vers leur résidence secondaire l’automne venu – tout ça en profitant de la noirceur. Selon l’organisme torontois Fatal Light Awareness Program, 100 millions d’oiseaux meurent en Amérique du Nord chaque année à l’occasion de ce grand périple. Lorsque la mauvaise température frappe – en particulier les hautes couvertures nuageuses, les fortes précipitations ou le brouillard – ces oiseaux sont forcés de voler à plus basse altitude où ils sont attirés par les hauts édifices éclairés, les tours de communication, les faisceaux lumineux des aéroports, les obstacles illuminés par des projecteurs et les phares. À Toronto, le FLAP a découvert 140 espèces d’oiseaux entrés en collision avec des édifices, notamment des bruants à gorge blanche, des parulines couronnées et des parulines masquées. La moitié de ces oiseaux meurent de traumatismes crâniens, de becs cassés ou de plumes endommagées. Les chanceux qui survivent à une collision peuvent facilement être pris dans des flots de lumières artificielles – battant des ailes dans le faisceau lumineux jusqu’à s’effondrer d’épuisement ou être désorientés.

Les lumières artificielles font aussi faire des heures supplémentaires aux oiseaux chanteurs. On a entendu des rouges-gorges, des merles et des rossignols philomèles se mettre à chanter en chœur devant une faible lumière artificielle, qu’ils confondaient avec l’aube. De plus, les études montrent que plus longtemps le ciel est éclairé, plus tôt divers oiseaux s’accoupleront et, comme ils peuvent se nourrir plus longtemps dans la nuit, les horaires de migration pourront aussi être perturbés.

• Menez une campagne pour que les systèmes d’éclairage soient éteints de 23 heures à 7 heures dans les édifices à bureaux et à appartements.
• Ne laissez pas d’éclairage de courtoisie, comme les projecteurs de toit, allumé toute la nuit pendant les périodes de migration. Si cela est nécessaire, choisissez des lampes stroboscopiques rouges, lesquelles attirent moins les oiseaux selon les chercheurs.
• Installez des systèmes d’éclairage à détecteur de mouvement.
• Éteignez les plafonniers et utilisez un  éclairage direct.
• N’allumez pas les plafonniers sans fermer les stores.
• Remplacez les ampoules à vapeur de mercure par des ampoules au sodium – les lumières dans les tons de jaune attirent moins les oiseaux chanteurs en déplacement que les lumières blanc-bleu.