April Overall
Avec son poids imposant de 500 kilos, la tortue luth, ou tortue-cuir (Dermochelys coriacea), peut sembler indestructible. En vérité, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) l’a placée sur la liste d’espèces en voie de disparition, et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) la considère en danger critique d’extinction à l’échelle planétaire.
Le Programme pour les espèces en voie de disparition de la Fédération canadienne de la faune a récemment fait un don de 16 000 $ au Canadian Sea Turtle Network pour qu’il étudie le risque que pose la pêche commerciale pour les tortues luths dans les eaux de la Nouvelle-Écosse.
La nidification menacée
Les tortues luths de l'Atlantique occidental pondent 5600 œufs en 20 ans, tandis que leurs congénères du Pacifique Est en produisent 2200. Malheureusement, l’aménagement des plages a laissé les femelles de l’espèce sans ces endroits où faire leur nid. Même lorsqu’elles trouvent un endroit adéquat, les tortues et leurs œufs sont menacés par le braconnage. De plus, après avoir pondu, bien des tortues qui tentent de retourner de la plage à l’océan se perdent en chemin, distraites par les lumières de la ville.
Du plastique au menu
Chaque année, la migration des tortues luths les fait parcourir des milliers de kilomètres depuis leur site de nidification jusqu’aux eaux nordiques à la recherche de leur proie préférée – les méduses. Le Canadian Sea Turtle Network rapporte que des tortues luths des États-Unis, du Costa Rica, du Panama, de Colombie, de Porto Rico, d’Anguilla, du Venezuela, de la Grenade, de Trinidad, de Guyana, du Suriname et de Guyane française viennent jusqu'au Canada pour s’y nourrir dans l'Atlantique.
Cela dit, le parcours jusqu’à leur zone d’alimentation est dangereux. On décharge environ 6,4 tonnes de débris marins dans nos océans chaque année, et de 60 à 80 pour cent de ces déchets sont en plastique. De plus, 60 pour cent des rebuts qui jonchent les plages et 90 pour cent des débris qui flottent dans les océans sont faits de plastique. Aux yeux des tortues luths, plusieurs de ces morceaux de plastique ont l’air de méduses, et elles les avalent sans réfléchir. Bien que les tortues soient capables d’en digérer les plus petits morceaux, les plus grands peuvent leur boucher le tube digestif et leur causer des lésions internes et des infections. Au cours des 40 dernières années, plus du tiers des tortues luths examinées avait ingéré du plastique. D’où vient donc tout ce plastique ? Ça peut vous surprendre, mais il provient à 80 pour cent de zones terrestres – sites d’enfouissement, installations industrielles et réseaux d’égouts et d’écoulement d’averses. Le reste est jeté dans la mer à partir de navires marchands ou à passagers, de plates-formes de forage en haute mer et d’installations de loisir, commerciales, de pêche ou militaires.
Un coup de filet malheureux
La principale menace qu’affrontent les tortues luths est l’équipement de pêche. Les tortues peuvent rester prises dans des sangles en plastique, des cordes, des lignes et des filets. Si elles ne se noient pas et qu’elles parviennent à se dégager, elles en sortent généralement blessées. Les « filets fantômes », ces filets de pêche perdus ou jetés en mer et dont les dimensions souvent colossales atteignent parfois les 15 mètres de profondeur et les 90 kilomètres de longueur, peuvent dériver dans la mer pendant 600 ans, capturant ainsi des tortues et d’autres animaux marins.
Le but des recherches du Canadian Sea Turtle Network
L’équipe du Canadian Sea Turtle Network étudie les dangers que représente l’équipement de pêche pour les tortues luths des eaux de la Nouvelle-Écosse et a accumulé la banque de données la plus importante sur la tortue luth au Canada. Le résultat de ces recherches jouera un rôle crucial dans la protection de ces tortues qui viennent de 12 pays différents pour se nourrir dans les eaux de l’Atlantique Nord.