April Overall et Pam Logan
Avec ses températures moyennes de -20˚C de décembre à mars, ça prend beaucoup de détermination pour élire domicile dans l’Arctique. Cela dit, de nombreux mammifères, oiseaux et espèces aquatiques ont besoin d’un tel climat pour survivre. Pourtant, certaines espèces sauvages de l’Arctique sont au bord de l’extinction. Pourquoi ?
Mourir à coups de sabots
Le caribou de Peary (Rangifer tarandus pearyi) vit sur les îles de l’archipel Arctique, où il survit aux hivers froids en se nourrissant de lichen terricole et corticole. Il est capable de supporter des conditions climatiques rigoureuses avec son épais pelage d’hiver et ses grands sabots concaves qui lui permettent de marcher sur la neige et de creuser pour trouver du lichen.
Au cours des 60 dernières années, le nombre de caribous de Peary a diminué de 72 pour cent; il n’en reste plus que 10 000 dans tout le Canada. En 2004, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a placé le caribou de Peary au rang des espèces en voie de disparition.
Après plusieurs épisodes d’engel et d’intenses chutes de neige sur certaines îles de l’Arctique, phénomènes dus à l’augmentation de la température, les caribous ont de la difficulté à trouver et à atteindre le lichen pendant l’hiver. À cette période de l’année où ils se font normalement moins actifs pour conserver leur énergie, ils se voient maintenant obligés de travailler dur pour obtenir leur nourriture et sont donc en danger de mourir d’épuisement si ce n’est pas de faim. En outre, le rythme de reproduction des caribous est lent, ce qui étire le rétablissement de l’espèce sur une très longue période. Avec des menaces comme la prédation et la disparition, la détérioration et la fragmentation des habitats, il est presque impossible que la population de caribous s’accroisse sans notre aide.
La complainte des baleines
Le béluga (Delphinapterus leucas) vit dans les eaux froides de la mer de Beaufort, du détroit de Lancaster, de la baie de Baffin, de la baie Cumberland, du sud-est de l’île de Baffin, de la baie d’Hudson, de la baie James et de la baie d’Ungava, ainsi que dans l'estuaire du Saint-Laurent. En automne, les bélugas de l’Arctique se nourrissent de morue polaire pour engraisser, plongeant de 400 à 800 mètres pour attraper un petit casse-croûte. S’ils en trouvent et en mangent assez, leur couche de graisse, qui se trouve juste sous la peau, peut atteindre une épaisseur de 9,5 centimètres; c’est ainsi que les bélugas s’isolent contre le froid et conservent leur température interne à un agréable niveau, soit 37˚C, malgré le froid hivernal.
Cela dit, ce grand mammifère est aussi la victime de la chasse de subsistance, du développement industriel, ainsi que de la disparition d’habitats due à l’aménagement des rivages, aux contaminants toxiques et aux activités de navigation commerciale et d’observation des baleines.
En 2004, le COSEPAC a placé les bélugas de l’est de la baie d’Hudson sur sa liste de populations en voie de disparition. La population a diminué de moitié à cause de la chasse excessive pratiquée dans son aire d’été et son aire de migration. Pêches et Océans Canada estime qu’il ne reste plus que de 1000 à 2000 bélugas dans ces eaux. Les experts croient que cette population pourrait disparaître complètement d’ici 15 ans si la chasse se poursuit à son intensité actuelle. Le Comité a aussi classé la population de la baie d’Ungava parmi celles en voie de disparition en 1998. Certains experts soupçonnent qu’elle est en fait déjà disparue.
Disparition dans l’Arctique
Depuis toujours, le courlis esquimau (Numenius borealis) se reproduit exclusivement dans les Territoires du Nord-Ouest à partir de la Anderson River, le long de la côte vers Kugluktuk et jusqu’à Snare Lake. Après la saison de reproduction, sa migration hivernale l’emporte jusqu’en Argentine, en passant par la région des grandes plaines et l’Amérique centrale.
Bien qu’on comptait autrefois des millions de ces oiseaux, la chasse intensive et la disparition de haltes migratoires dans les prairies et les pâturages au début du XIXe siècle en ont décimé la population. En novembre 2009, le COSEPAC a déclaré le courlis en voie de disparition. La dernière observation confirmée de ces oiseaux de littoral ayant eu lieu en 1963, on prévoit qu’il s’agira du premier oiseau canadien à être considéré disparu depuis la tourte voyageuse, il y a près d’un siècle.