OURSONS CANNIBALISÉS
Le rétrécissement de la banquise et sa formation plus tardive forcent les ours polaires de la région de Churchill au Manitoba à adopter des pratiques de chasse radicales. « En automne, il ne reste plus
grand-chose d’autre à manger, le long de la côte de la baie d’Hudson, que d’autres ours », dit le biologiste Ian Stirling, scientifique à la retraite d’Environnement Canada et expert reconnu des ours polaires.
Bill Watkins, zoologiste au ministère de la Conservation du Manitoba, dit que les ours polaires avaient l’habitude d’arpenter la banquise de la baie d’Hudson dès le début de novembre, mais que la prise de la glace a maintenant lieu plusieurs semaines plus tard. Les ours perdent environ 30 % de leur masse corporelle pendant l’été, brûlant environ un kilogramme d’énergie chaque jour alors qu’ils attendent la formation d’une plateforme de glace d’où ils
chasseront le phoque en automne.
À l’automne 2009, des pourvoyeurs et des scientifiques ont rapporté entre 4 et 8 observations d’ours mâles adultes en train de manger des oursons et d’autres ours autour de Churchill. Personne n’a pu savoir si les animaux adultes étaient déjà morts quand les ours affamés ont commencé à s’en repaître. « J’ai travaillé avec cette population pendant 35 ans et je n’ai jamais vu un seul cas de cannibalisme, dit Stirling. Là, ça fait vraiment beaucoup. »
Il n’est pas inhabituel que des mâles adultes de différentes espèces tuent et mangent des jeunes; habituellement,
cela a pour objectif de provoquer les chaleurs des femelles et d’éliminer des concurrents génétiques. Le moment où les mises à mort rapportées ont eu lieu indique plutôt que la famine en était le principal motif, observe Stirling, qui note
aussi que les femelles ne deviendront pas réceptives au plan de la reproduction avant le printemps.
Le chef inuit Jose Kusugak n’est pas d’accord et prétend que de tels incidents ne sont pas extraordinaires. « On fait toute une histoire d’un ours polaire qui mange un petit et on essaie de faire le lien avec les changements climatiques et tout le reste. Ça devient absurde, alors que c’est une circonstance normale », a-t-il affirmé à la CBC.