April Overall
| Photo par: Mr. Bert De Tilly de Sainte-Thérèse, QC |
Imaginez-vous un trajet d’un point A à un point B que vous devez parcourir en comptant sur vos seules forces, et imaginez que le point B se trouve à des milliers de kilomètres du point A. C’est ce genre de voyage qu’entreprennent chaque année des millions d’oiseaux pour atteindre leurs aires d’hivernage. Comment y arrivent-ils? Poursuivez la lecture et vous le découvrirez!
Préparation
Ce n’est pas simplement une envie soudaine de battre des ailes qui amène les oiseaux jusqu’en Floride. La migration demande une bonne préparation. Il faut d’abord décupler ses forces. Pendant quelques jours, les oiseaux passent beaucoup de temps à se nourrir. Pour acquérir plus de vigueur, ils remplacent les graines de leur menu par des insectes. Comme des jeans extensibles, les organes digestifs des oiseaux s’agrandissent et leur permettent de manger encore et encore. Tout le gras ne leur tombe pas dans les hanches; il est emmagasiné en des endroits stratégiques pour faciliter le vol; le bas du dos est ainsi l’endroit parfait pour une bedaine.
Quelle quantité peuvent-ils emmagasiner? Certaines espèces, notamment certains passereaux, peuvent peser moins de trente grammes en temps normal, mais lorsqu’un voyage de 4 000 km les attend et qu’ils ne pourront se reposer de sitôt, ils font le plein et doublent leur poids avant le départ. Contrairement aux mammifères, les oiseaux puisent dans leurs réserves adipeuses avant d’extraire l’énergie de protéines et de glucides, ce qui leur évite de « frapper le mur » et de devoir interrompre le vol. Leur endurance vient aussi de leurs os creux et de leur capacité à inhaler de l’oxygène plus pur que celui qu’absorbe n’importe quel mammifère.
Le décuplement des forces des oiseaux passe aussi par le renforcement des muscles : les pectoraux se font plus épais et plus denses. L’Arnold Schwarzenegger des oiseaux migrateurs? Le bécasseau maubèche, que vous pouvez découvrir dans notre Projet en vedette de ce mois-ci; le volume de ses muscles pectoraux augmente de 40 p. 100! Il y a des espèces qui s’arrêtent en cours de migration pour se reposer. Pendant qu’ils refont leurs réserves de gras, les oiseaux appartenant à ces espèces perdent du volume aux pectoraux, aux pattes et au ventre. Une fois qu’ils ont pris assez de poids, ils commencent à redévelopper leur musculature et ils sont bientôt prêts à s’envoler de nouveau.
Voler en V
Certains oiseaux migrateurs se regroupent en formations qui réduisent l’effort nécessaire pour le vol. Des oiseaux d’assez grande taille, comme les bernaches du Canada, volent en V. Saviez-vous, cependant, que les formations en J sont encore plus courantes? Ces structures aident les oiseaux à conserver leur énergie en leur permettant de tirer pleinement parti des tourbillons formés devant eux par leurs ailes. Plus précisément, les oiseaux prennent tour à tour la tête du groupe, où ils affrontent le plus fort du vent et accordent ainsi un répit bien mérité aux oiseaux derrière eux. Ces formations permettent aux oiseaux de voler sur une distance jusqu’à 70 p. 100 supérieure à celle qu’ils pourraient parcourir seuls. Elles leur permettent également de communiquer plus facilement entre eux pour s’assurer qu’ils volent dans la bonne direction.
Boussole intégrée
Comment savent-ils où aller? De nombreuses théories et études scientifiques tentent d’expliquer le mystère des migrations.
1re théorie : Super-vision
Certains chercheurs pensent qu’il y a dans les yeux des oiseaux des molécules sensibles au champ magnétique terrestre. Si ce n’est pas un super-pouvoir, ça! En voici le fonctionnement : lorsque la lumière pénètre dans l’œil, elle y excite un composé, avec pour résultat la création de paires radicalaires d’électrons. Ces électrons possèdent une propriété appelée « spin », et des recherches montrent que les champs magnétiques peuvent faire s’aligner les spins. Et alors, vous dites-vous? Quand la gravité terrestre est alignée avec les spins de l’oiseau, cela crée une sorte de boussole intérieure qui permet à l’oiseau de détecter le champ magnétique de la Terre et l’oriente ainsi vers sa destination. Une étude de l’Université d’Oldenburg portant sur les rouges-gorges européens a constaté que ce sont ces cellules des yeux qui aident les oiseaux à savoir où est le nord et à orienter leur migration en conséquence.
2e théorie : sagesse ancienne
Des scientifiques de l’Université Princeton ont mené une étude portant sur des bruants migrateurs, des adultes et des jeunes, et ils ont constaté que les adultes arrivaient à trouver le chemin vers leurs aires d’hivernage même après avoir été libérés à des milliers de kilomètres de leur itinéraire, alors que les jeunes savent seulement qu’ils doivent voler vers le sud. D’après ces chercheurs, ces bruants sont munis dès la naissance d’une boussole interne qui leur indique dans quelle direction se trouve le nord, mais seuls les adultes disposent de cartes internes leur permettant d’atteindre les lieux où ils souhaitent se rendre.
3e théorie : becs futés
Certains chercheurs croient que les oiseaux ont dans leur bec des minicristaux magnétiques qui détectent les variations du champ magnétique terrestre et les aident ainsi à s’orienter.
4e théorie : au pifomètre!
Des chercheurs de l’Institut Max-Planck d’ornithologie pensent que l’odorat des oiseaux les aide à s’orienter. Les scientifiques ont capturé des moqueurs chats adultes en Illinois et ont appliqué une solution saline à la muqueuse nasale de quelques-uns pour modifier leur odorat (ne craignez rien, cela ne leur a pas fait mal et leur odorat est revenu à la normale après); ils ont ensuite relâché les oiseaux dans le New Jersey. Les moqueurs chats dont l’odorat avait été modifié ne savaient pas où aller, mais ils se sont quand même dirigés vers le sud, en s’en remettant à leur boussole interne.