Nous tissons une toile dangereuse
Tous les ans, environ un quart des baleines noires de l’Atlantique Nord s’enchevêtrent dans des engins de pêche. Parfois elles s’en sortent avec quelques cicatrices mineures, mais à d’autres occasions, une mort horrible en résulte. Une baleine enchevêtrée ne peut pas se déplacer librement, se reproduire et se nourrir. L’enchevêtrement peut causer des infections et peut même trancher la peau jusqu’aux muscles et aux os.
Lorsqu’une baleine ne peut pas se libérer de l’engin, elle risque de se noyer ou sa mort peut s’étaler sur plusieurs mois. Puisque 83 % des baleines noires de l’Atlantique Nord portent des cicatrices à la suite d’enchevêtrements, nous savons que c’est une menace importante pour cet animal.
Vous savez sûrement que les cordages de pêche peuvent être dangereux pour les animaux marins.
Mais où et comment ont lieu les enchevêtrements? Les enchevêtrements sont vraisemblablement causés le plus souvent par les cordages utilisés pour la pêche à engins fixes. Il s’agit d’une approche selon laquelle les pêcheurs installent des engins sur le fond marin et les laissent sans surveillance pendant des heures ou même des jours. Ces engins servent à attraper des espèces comme le homard, le crabe et le flétan. La prise est récupérée au moyen d’un câble qui rattache l’engin à une bouée à la surface. Or, les pêches à engins fixes sont nombreuses, ce qui signifie qu’il y a parfois des milliers de câbles verticaux dans l’eau, rendant ainsi les déplacements difficiles pour les baleines, les tortues de mer, les phoques et les oiseaux marins.
Dans l’est du Canada, le problème de l’enchevêtrement est devenu prioritaire en raison des problèmes causés à la baleine noire de l’Atlantique Nord en voie de disparition. Ces baleines passent leurs étés le long de la côte atlantique du Canada, mais risquent de disparaître à cause des enchevêtrements dans des engins de pêche et des collisions avec des navires. Pour protéger leur survie, les pêches sont interdites dans les eaux où on retrouve des baleines noires en ce moment. Or, ces interdictions nuisent beaucoup aux pêches commerciales et aux collectivités côtières qui en dépendent.
Pour parvenir à de vraies solutions, il faut apporter de vrais changements.
Il faut changer la manière dont nous faisons véritablement les choses. L’être humain n’arrêtera pas de récolter les ressources abondantes de l’océan. L’océan est pour nous une source abondante de nourriture, d’activité économique et d’emploi. Ce à quoi nous devons toutefois mettre fin, ce sont les dommages que nous infligeons pour y arriver. Nous savons désormais que la pêche peut être durable. Il est possible de protéger la faune marine, et nous le savons. Pour obtenir des résultats différents, par exemple réduire le nombre de baleines enchevêtrées, faire en sorte que les populations de faune marine grossissent au lieu de diminuer et assurer la coexistence des êtres humains et de la faune marine, nous devons faire les choses différemment.
Le changement est nécessaire, mais pas pour le simple plaisir de changer. Nous ne devons pas nous contenter d’espérer que les nouvelles méthodes fonctionnent et de déterminer au hasard une façon de faire potentiellement meilleure. Des changements significatifs et utiles reposent sur une recherche minutieuse et des essais pratiques suivis d’un processus de diffusion, d’éducation et d’adoption à l’échelle sectorielle. C’est pour cette raison que la FCF est à l’avant-garde au chapitre de la recherche, des essais et de la diffusion.
De plus, il est difficile de changer. Les technologies et le matériel utilisés dans l’industrie de la pêche le sont pour la plupart depuis des siècles. Comme ils sont durables, peu coûteux à produire et faciles à utiliser, rien ne justifiait de les remplacer. Au cours des dernières décennies, nous en avons appris davantage sur l’incidence alarmante des engins de pêche sur les baleines et avons peu à peu acquis la certitude qu’il fallait faire quelque chose.
L’approche immédiate est une mesure urgente en réponse à une crise grave qui consiste à interdire la pêche dans les zones où les baleines sont présentes. Malgré son efficacité potentielle, cette méthode pose deux problèmes fondamentaux :
- La faune marine se déplace et passe d’un lieu à un autre, de sorte qu’il est difficile et dispendieux de savoir où les baleines se trouvent et quand les protéger.
- Ces fermetures de zones mettent en péril les pêches commerciales et nuisent aux moyens de subsistance des collectivités côtières qui en dépendent.
Il existe une meilleure façon de réduire les enchevêtrements, et la FCF a ouvert la voie pour y arriver.
Le problème
L’équipement traditionnel repose sur des lignes verticales qui relient les casiers à homards et à crabes (ainsi que les filets maillants) déposés au fond de l’océan à des bouées de surface qui permettent de marquer l’emplacement des pièges et de les remonter lorsqu’ils sont pleins. Ce sont dans ces cordes en plastique robuste (c.-à-d. en polypropylène) que les baleines s’enchevêtrent, ce qui fait qu’elles traînent ensuite le lourd équipement derrière elles, les cordes s’enfonçant de plus en plus profondément dans leur chair et leurs nageoires. Les baleines subissent d’horribles blessures et meurent souvent dans de longues et atroces souffrances. Selon une analyse récente de la Woods Hole Oceanographic Institution, 85 % de toutes les baleines noires cataloguées présentent des blessures et des cicatrices causées par au moins un enchevêtrement, et plus de 25 % en subissent de nouvelles chaque année. En outre, plus de 50 % ont été enchevêtrées deux fois ou plus dans des engins de pêche. Grâce au courage, au dévouement et à l’expertise des spécialistes en sauvetage sur appel, certaines baleines sont libérées. Toutefois, ces sauvetages ne s’appliquent qu’à un petit pourcentage et exposent tous ceux qui y prennent part à un risque élevé.
Les technologies
Corde à la demande
- Également appelée « engin sans corde », la corde à la demande peut être utilisée pour déposer quelque chose sur le fond de l’océan et le récupérer plus tard sans laisser de ligne permanente dans la colonne d’eau. En faisant appel à différents types de systèmes de libération contrôlés à distance, la technologie à la demande fait en sorte qu’il n’est plus nécessaire de marquer les engins situés au fond de l’océan à l’aide de lignes verticales tactiques. Certains de ces systèmes sont utilisés depuis des dizaines d’années dans des applications scientifiques et militaires, tandis que d’autres ont été spécialement conçus pour la pêche commerciale. Deux types généraux de systèmes à la demande sont en cours d’évaluation. Dans le cas des orins arrimés sur le fond marin, une corde enroulée est fixée au casier. Lorsqu’une commande est envoyée de la surface au moyen d’un dispositif acoustique (comme un sondeur de base qui émet des sons brefs non intrusifs pour la faune sous-marine), une bouée fixée à une extrémité de la corde enroulée est libérée et vient flotter à la surface pour permettre de récupérer les engins. Le deuxième type de système consiste en des casiers à flottabilité variable ou des sacs de levage. Grâce à cette méthode, le casier reste au fond de l’océan jusqu’à ce que le bateau à la surface envoie une commande à un dispositif à air comprimé pour qu’il gonfle une bouée, ce qui fait remonter le casier à surface afin qu’il y soit récupéré. Ce système n’utilise aucun orin.
Corde faible
- Il a été question d’utiliser de prétendues « cordes faibles ». Cette idée pourrait être trop optimiste. En effet, aucune baleine franche de l’Atlantique Nord n’a été vue enchevêtrée dans du cordage ayant une charge de rupture de moins de 1 700 livres-force (lbf). Par conséquent, certains experts ont suggéré que des cordes à faible résistance à la rupture pourraient réduire la gravité des enchevêtrements, dont les baleines noires pourraient se libérer elles-mêmes, s’évitant ainsi des blessures et du stress, voire la mort.
Toutefois, quasiment rien ne vient appuyer cette hypothèse pour le moment, d’autant plus qu’il ne suffit pas de remplacer les lignes. Différentes résistances minimales de lignes sont requises selon le type de pêche commerciale. Par exemple, les pêcheurs de homard qui utilisent seulement des pièges individuels ou doubles peuvent remonter les engins à la surface au moyen d’un cordage ayant une charge de rupture relativement faible (p. ex., 650 lbf), mais ceux qui ont recours à des chaluts contenant de 10 à 40 casiers à homards nécessitent des lignes bien plus solides pour pouvoir remonter la charge à la surface. C’est également le cas pour les casiers de grande taille utilisés en eaux plus profondes pour la pêche au crabe des neiges. Ce qui est préoccupant, c’est que si cette méthode est employée dans des situations où elle échouera fréquemment, elle entraînera une augmentation des « engins fantômes » mortels.
Les recherches et les essais se poursuivent, notamment à l’égard de divers dispositifs et méthodes de fixation du cordage qui pourraient créer des points de rupture à faible charge dans les lignes en vue de réduire la gravité des enchevêtrements.
Évaluation des technologies
- Il est bien entendu essentiel de concevoir l’équipement, mais il l’est tout autant de mettre à l’essai les technologies et les engins de pêche sans corde dans des situations réelles. Depuis 2019, la FCF mène des essais de matériel en partenariat avec des pêcheurs commerciaux et des pêcheurs des Premières Nations du Canada atlantique afin d’évaluer divers engins de pêche sans corde dans le but de prévenir l’enchevêtrement des mammifères marins. Grâce au financement du Fonds de la nature du Canada et de PEW Charitable Trusts, la FCF a réalisé plus de 400 déploiements en mer de cinq différents systèmes de pêche à homard et à crabe des neiges, en plus de travailler intensivement avec huit capitaines et leur équipage issus de plusieurs régions de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Du financement, de l’équipement et du soutien continus ont été fournis à un pêcheur de crabes des neiges tout au long de la saison afin de déterminer la viabilité commerciale à long terme du matériel. Les résultats de ces tests ont permis à la FCF de transmettre aux concepteurs d’engins des comptes rendus et des points de vue techniques sur la pertinence de l’équipement et la façon d’améliorer leurs systèmes.
Accessibilité des technologies
- Une technologie se mesure véritablement à son taux d’utilisation. Bien que les évaluations pratiques soient vitales, elles ne doivent pas être effectuées uniquement dans le cadre d’études contrôlées. Lorsque l’équipement a été examiné et qu’il a été déterminé qu’il satisfait aux normes d’utilité et de sécurité, il est absolument crucial que ceux dont les moyens de subsistance reposent sur ces engins puissent y accéder. Leur rétroaction déterminera le succès de la technologie.
C’est pourquoi la FCF a lancé le Programme de prêt d’engins innovPÊCHE, la première initiative du genre pour les engins de pêche adaptés au Canada. Basé à Halifax, le Programme de prêt d’engins innovPÊCHE soutient l’industrie de la pêche dans l’ensemble de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard. Il permet aux pêcheurs de ces régions d’accéder à divers engins modifiés et à des technologies à la demande, en plus de leur offrir le soutien financier et technique dont ils ont besoin pour déterminer ce qui convient le mieux à leurs activités et à leurs conditions de pêche.
Le saviez-vous?
¼
Chaque année, environ un quart de toutes les baleines noires de l’Atlantique Nord s’enchevêtrent dans des engins de pêche.
83 %
Quatre-vingt-trois pour cent des baleines noires de l’Atlantique Nord ont des cicatrices causées par des enchevêtrements avec des engins de pêche.
340
Moins de 340 baleines noires de l’Atlantique Nord étaient encore en vie à la fin de 2021.
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